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Partir sans quitter, quitter sans partir
Bien que l'Iran ne soit pas perçue comme un foyer important d'émigration, celle-ci a marqué son histoire au moins depuis le début du XXe siècle. La «diaspora» iranienne a édifié une véritable économie morale et politique du voyage, dans laquelle la relation au pays d'origine demeure centrale. Partir ne s'envisage pas sans l'expression d'un lien avec le lieu que l'on quitte, assuré par des envois réguliers d'argent, des retours fréquents «au pays», une circulation continue de récits, d'images et de marchandises. Mais l'imaginaire du départ ne concerne pas les seuls migrants : la grande majorité des Iraniens entretient une relation virtuelle avec l'étranger, qui contribue à aménager leur existence quotidienne et qui influe ainsi sur l'organisation de la société iranienne contemporaine.[Leaving without departing]
Although Iran is not generally viewed as an important site of emigration, the latter have marked Iranian history since at least the beginning of the 20th century. The Iranian "diaspora" has constructed a veritable economic and political economy of the voyage, which is centered upon relations with the home country. Leaving is predicated on the expression of a link with the place of debyture, expressed through regular cash remittances; frequent trips home; and the constant circulation of narratives, images, and merchandise. But the imaginary of debyture is not only a matter of migrants: most lranians maintain a virtual relation with the world abroad, which helps them to organize their daily existence and influences on the organization of contemporary Iranian society
Elections et notabilité en Iran. Une analyse du scrutin législatif de 2016 dans quatre circonscriptions
En Iran, le fait électoral s’est banalisé. Il permet l’expression de la diversité, notamment ethnique et confessionnelle, des terroirs historiques dans les provinces, et témoigne de la professionnalisation croissante de la vie politique. Paradoxalement, cette professionnalisation replie la république sur l’ordre de la famille, de la parenté, de l’autochtonie, voire du quartier ou de la sociabilité dévotionnelle – autant d’instances instillant un sentiment de proximité, de solidarité, de communion qui renvoie à la fameuse notion d’asabiyat. Selon une expression courante, la République islamique est devenue une « parentocratie » (tâyefehsâlâri). Le développement industriel du pays ne contredit pas cette pesanteur, dans la mesure où il repose sur un tissu de très petites entreprises familiales. L’analyse des élections législatives de 2016 dans quatre circonscriptions révèle l’importance dans la vie politique locale de la question foncière, indissociable de ces différentes consciences particularistes. Des lignes de continuité notabiliaire avec l’ancien régime se dévoilent, ainsi que de vieux conflits agraires que n’a pas effacés la césure révolutionnaire et qu’entretiennent ou ravivent les scrutins contemporains.Elections and notability in Iran. Analyzing the 2016 legislative vote in four wards.
Elections have been trivialized in Iran. They allow for the expression of diversity, in particular ethnical
and denominational, of historical regional identities, and prove the growing professionalization of
political life. Paradoxically, such professionalization withdraws the Republic away into the levels of
family, parenthood, autochthony, and even neighborhoods or devotional sociability, which are all
institutions that instill a feeling of proximity, solidarity, communion; close to the notion of asabiyat.
As the saying goes, the Islamic Republic has become a « parentocracy » (tâyefehsâlâri). The country’s
industrial development isn’t at odds with such ponderousness since it lies on a web of very small family
businesses. The analysis of the 2016 legislative elections in four wards reveals how important the issue of
property is in political life, indivisible as it is of the various particularistic consciences. The connections
with notables are still there, revealing lines of continuity with the old regime as well as longstanding
agrarian conflicts that have not been erased by the Revolution and that are being kept alive through
contemporary elections
La question féminine, angle mort de la démocratie islamique en Iran
Dès la fin des années 1980, la situation des femmes iraniennes s'est améliorée. Nombre d'entre elles ont investi l'espace public et ont pu exercer une activité économique ou sociale. La politique de libéralisation menée par Rafsandjani a permis à cet investissement féminin de s'accroître et de prendre une tournure plus explicitement politique. Mais les femmes demeurent exclues de vastes secteurs de la société et continuent à être l'objet de discriminations juridiques et sociales. Les seules avancées possibles ont en effet été celles qui respectaient la pensée islamique traditionnelle de la question féminine, qui servaient l'« honneur du système » plutôt que de le subvertir. C'est ainsi paradoxalement le port du voile qui a favorisé l'inscription des femmes dans la sphère publique.The Women's Cause. An Irrelevant Issue in the Islamic Democracy of Iran - Since the end of the 80's, the condition of Iranian women became significantly better. Many of them participate in the public sphere and got an economical or social activity. Rafsandjani's politicy of liberalization furthered this womens's investment, which became more explicitly political. However, women remain out of a number of social areas and are still victims of social and legal discriminations. Indeed, only seem possible the progress respecting the traditionnal Islamic think about women's condition in life, and serving the «honour of the system», rather than attacking it. In this context, the veil paradoxically makes easier the investment of women in the public sphere
Guerre et terre en Afghanistan
Mohammad Fazal Kochai, l’un des très nombreux déserteurs de l’armée afghane supposée prendre le relais des forces étrangères, en 2014, pour endiguer les talibans, se justifie en dénonçant la corruption des officiers : « Chacun s’efforce de faire de l’argent pour se remplir les poches et construire sa maison avant le départ des Américains », s’exclame-t-il. Ce faisant, il jette une lumière crue sur l’économie politique de la crise afghane. Les études dites « postconflit » dans le jargon de la science politique, qui ont fleuri à propos de l’Afghanistan comme au sujet d’autres situations de guerre, ont souvent une vision irénique de la démobilisation : les anciens combattants, les warlords sont censés rendre les armes et se reconvertir à la vie civile grâce à des programmes de réinsertion, souvent financés par la « communauté internationale ». Fort bien. Mais c’est oublier que la guerre a fréquemment été un mode d’accumulation économique que sanctionne la paix au prix d’une validation, sinon d’une aggravation, de l’inégalité sociale...Introduction - Une ou plusieurs guerres ? -
On ne prête qu’aux riches ! En l’occurrence aux talibans -
Une violence sociale aux mille visages -
Conclusio
Qui a peur du mollah Omar ?:L’économie morale du « talebanisme » dans le Golfe
Lorsque l’on voyage dans le Golfe, on est frappé par les appréciations louangeuses que suscitent les figures controversées d’un Ben Laden ou d’un mollah Omar. Il existe une réelle audience du talebanisme hors de l’Afghanistan, fût-ce sous forme d’une sympathie diffuse. Elle s’inscrit dans le contexte régional créé par les flux d’émigrés et de réfugiés afghans dans les pays voisins : le Pakistan, l’Iran et les États arabes du Golfe, et par certaines diasporas plus anciennement établies. Si l’on en croit une opinion courante, une telle popularité pourrait mettre en cause la stabilité des régimes en place, notamment celle des pétromonarchies arabes. Reste à savoir de quoi elle est faite (...)
Les effets contradictoires des sanctions sur l'économie iranienne
Compte rendu de l'atelier OMER (Observatoire mondial des enjeux et des risques) animé par Fariba Adelkhah le 23 janvier 2014 au CERI
Quand les impôts fleurissent à Téhéran:Taxes municipales et formation de l’espace public
L'un des phénomènes sociaux les plus remarquables dans l'Iran des années 1990 est la politique audacieuse de rénovation urbaine conduite par le maire de Téhéran, Gholamhossein Karbastchi. D'une part, celle-ci fait école dans le reste du pays. D'autre part, elle est l'objet d'un vaste débat public que favorise le style très personnel et médiatique du premier magistrat de la capitale. La réalisation la plus populaire de M. Karbastchi est la multiplication des espaces verts. Ceux-ci donnent lieu à toute une série de pratiques sociales inédites. En tant que tels les jardins municipaux sont des sites à la fois de conciliation et de conflits potentiels. En particulier ils sont un lieu de coexistence entre l'idéologie de la République islamique et la culture nationale. Mais la pression fiscale qui accompagne la rénovation urbaine suscite de fortes oppositions, d'ordre économique ou politique. La fréquentation des jardins, la perception de l'impôt qui les finance, les débats qui s'ensuivent ouvrent un domaine de négociation entre acteurs qui contribue peut-être à la formation d'un espace public. Ce processus contribue à la rationalisation et à la bureaucratisation de la société que véhicule la République islamique, tout en étant porté par un homme qui reste perçu dans les termes d'un imaginaire à forte connotation culturelle. En définitive, c'est l'hypothèse de l' "Etat rentier", développée par de nombreux auteurs au sujet du Proche-Orient, qui se voit complétée par l'enquête anthropologique
Chibli Mallat, The renewal of islamic law
Voici un ouvrage remarquable qui devrait intéresser autant les historiens du droit que les politistes ou les économistes travaillant sur les sociétés du Proche Orient. C. Mallat propose le portrait intellectuel et une analyse circonstanciée de apport de Muhammad Baqer as-Sadr. Celui-ci est une des plus grandes figures du droit islamique du 20e siècle, mais aussi un des acteurs de la Renaissance islamique dont la ville de Najaf fut un des centres les plus importants dans après-seconde guerre mondiale (...)
Expatriation et notabilité. L'évergétisme et la diaspora iranienne
La figure notabiliaire est omniprésente dans la société politique iranienne. C'est notamment elle qui articule au pouvoir d'Etat la diversité régionale, ethnique ou religieuse, dans un pays multiculturel, multilinguistique, et multiconfessionnel. Aussi la continuité de la figure notabiliaire de l'Empire à la République l'emporte sur la discontinuité. Dans les provinces, le rôle joué par les hommes de confiance, notamment lors des élections, est considérable. En même temps, l'acte de se porter candidat est une façon de se voir reconnaître le statut de notable, en dépit éventuellement d'une chance minime d'être élu(e). Toutefois la notabilité n'a pas de frontière, que celle-ci soit sociale ou géographique, et l'on peut devenir notable dans l'émigration dont l'aventure fournit souvent elle-même des ressources spécifiques en la matière. Ainsi le marché cambiaire a représenté depuis 1980 une ressource notabiliaire formidable pour les émigrés, compte tenu de la faiblesse et de la dépréciation continue du rial des années 1980 jusqu'à 2001. Les investissements évergétiques que prodigue l'« homme de bien » de la diaspora sont ainsi devenus spectaculaires. Ce travail analyse le parcours évergétique de l'homme de bien, d'une part, comme une facette de la recomposition de la communauté iranienne dans la diaspora et, de l'autre, comme une interrogation décalée sur l'une des institutions les plus anciennes de la société d'origine, le vaqf.Notable and Exile. Figures of Eminence as a Social and Religious Dynamics in Iranian Society - The eminent man is omnipresent in Iranian political Society. It is he in particular who forms the link between state power and the regional, ethnic and religious diversity in a multicultural, multilingual and multiconfessional country. The continuity of the eminent man from the Empire to the Islamic Republic also defies the discontinuity of this transition. In the provinces the role played by such men, particularly at the time of elections, is considerable. At the same time, the act of running for office is a way of being recognised as a notable or as an eminent man (motamed), despite perhaps the minimal chance of being elected. However, eminence has no border and can not be reduced nor to a given social group neither to a particular geographical frame, and one can become eminent in exile where the adventure often provides specifie resources for becoming notable. Thus, the currency market has represented since 1980 a significant resource for exiles, taking in to account the continuous weakness and depreciation of the rial between 1980 and 2001. The investments which the Diaspora's notables lavish on their beneficiaries have thus become truly spectacular. This work analyses the notables' beneficence activities, on the one hand, as a facet of the recomposition of the Iranian community in diasporas and, on the other, as a shifted inquiry into one of the most ancient institutions of their homeland, the vaqf
Les madrasas chiites afghanes à l’aune iranienne : anthropologie d’une dépendance religieuse
En tant qu’institutions sociales, les madrasas doivent être analysées dans leur rapport au changement social, économique et politique, et dans leur relation de complémentarité avec l’enseignement public dont elles reproduisent l’organisation bureaucratique. Dans le cas de l’Afghanistan, elles sont en particulier indissociables de la guerre et de ses conséquences, telles que l’émigration et la recomposition des appartenances ethnoconfessionnelles. Financées et gérées par la diaspora, elles permettent à la minorité chiite, notamment hazara, de renégocier sa place dans l’Etat central et de contrebalancer la domination pachtoune. Elles participent également à la scolarisation des jeunes filles ou d’élèves issus de milieux défavorisés. La dépendance de l’enseignement religieux chiite afghan par rapport au clergé iranien constitue de ce double point de vue une ressource organisationnelle, théologique, financière et symbolique. Mais elle va de pair avec un processus de réinvention du modèle iranien et d’autonomisation par rapport à celui-ci qui devrait conduire, dans l’esprit des autorités religieuses, à l’émergence d’un chiisme national afghan dont Kaboul ambitionne d’être la capitale spirituelle. L’interaction asymétrique irano-afghane illustre la pertinence de la notion de « dépendance religieuse ».As a social institution, the madras must be analyzed in terms of their relationship to social, econmomic and political change and to the public educational system whose bureaucratic organization they have copied. In the case of Afghanistan they cannot be disassociated from the war and its consequences, such as emigration and the reconstitution of ethno-religious affiliations. Financed and run by the diaspora, they enable the Shiite minority, notably Hazara, to reestablish itself in the central State and to provide a counterweight to the Pachtoune domination. They also contribute to the education of girls and children from disfavored social classes. The dependeance of Shiite education in Afghanistan on the Iranian clergy has organizational, theological, financial and symbolique benefits. But it is accompanied by a reinvention of, and separation from, the Iranian model which should, in the minds of the religous authorities, lead to a national schism in Afghanistan of which Kaboul hopes to be the spiritual capital. The asymetric Irano-Afghan interaction illustrates the relevance of the notion of « religous dependence »
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